jeudi, 17 novembre 2005
La baisse des impôts était-elle souhaitable ?
La baisse des prélèvements obligatoires et surtout celle des impôts sur le revenu est souhaitée par tous les ménages français. Le gouvernement actuel l’a bien compris. Cependant il ne s’est pas argué des risques que cela faisait peser sur l’économie française (bien connus des économistes du Public Choice), élection oblige.
Le taux de prélèvements obligatoires est obtenu en additionnant le taux de pression fiscale (impôts + taxes / PIB) et le taux de pression sociale (cotisations sociales / PIB). En France ce taux est de l’ordre de 45 %. Lorsque le gouvernement français en 2001 décide de mener une politique de réduction fiscale les études de l’OCDE en ne faisaient pas apparaître de corrélation entre les taux de prélèvements obligatoires et les niveaux de croissance. Ainsi le Royaume Uni qui enregistrait un taux de prélèvements obligatoires de moins de 40 % avait une croissance de moins de 3% alors que la France avec un taux de prélèvements obligatoires de 47 % connaissait une croissance de 3 %. D’autres pays, comme la Suède, avec un taux de prélèvements obligatoires de plus de 50 % enregistraient une croissance de plus de 4 %. Alors qu’en Espagne avec un taux de prélèvements obligatoires de moins de 30 % on enregistrait une croissance de 4% également.
Déjà au tout début du XIXème siècle les économistes classiques (entendez : libéraux) prônaient la baisse des impôts. Leur thèse était simple pour ne pas dire simpliste. La baisse des impôts en permettant la hausse du revenu disponible des ménages favoriserait la consommation. Du côté des entreprises la baisse des charges fiscales leur permettrait de réduire leurs prix de vente. Les gains de compétitivité réalisés stimuleraient les investissements. La hausse de la demande globale (consommation, exportations, investissements) serait alors vectrice de croissance économique et de création d’emplois.
Ce scénario optimiste allait être nuancé dès 1817 par David RICARDO, lui-même économiste classique. L’auteur expliquera que la baisse des impôts peut permettre la dynamique positive précitée, à condition que les anticipations fiscales des agents économiques, entreprises et ménages soient bien orientées. En effet, si les ménages anticipent une hausse future de la fiscalité, ils auront tendance à épargner la baisse courante des impôts pour payer les impôts futurs. Ce comportement est connu des économistes sous l’appellation de " théorème des équivalences ricardiennes ". Dans ce cas les enchaînements macroéconomiques libéraux n’auront pas lieu.
Cette analyse explique encore aujourd’hui pourquoi certains gouvernements qui appliquent des politiques de réduction fiscale annoncent des échéances. Ainsi aux Etats-Unis et en France la baisse des impôts a été annoncée respectivement sur une période de dix ans et de cinq ans. Pendant ces périodes toute altération du contexte économique (baisse de la croissance économique, gonflement du déficit public, hausse du chômage, climat international, affaires politiques…) qui tendraient à faire douter les agents économiques sur la pérennité de la baisse fiscale entraînerait des renversements d’anticipations. Dés lors ces phénomènes restreindraient voire annihileraient les effets escomptés d’une telle politique.
C’est pourquoi cette politique de relance par l’offre, la " supply side economics ", doit être appuyée très fermement par les chefs de gouvernement. Aucun doute sur la poursuite de la réduction fiscale ne doit être permis sinon cela condamnerait tout espoir de relance. C’est ce qui explique les réticences du gouvernement actuel à régler le problème des retraites par la hausse de la CSG comme dans le passé.
Nous venons de le démontrer, nous ne pouvons occulter le comportement des agents, c’est lui qui détermine les résultats de la politique de réduction fiscale. Or la conjoncture économique 2002-2003-2004-2005 est très déprimée, la croissance est à des niveaux entraînant la destruction d’emplois. Avec des niveaux de croissance inférieurs à 2,3% l’économie française crée du chômage. Le taux de chômage ne cesse de s’élever plus de 10 %, la confiance des ménages français selon l’indice de l’INSEE est au plus bas, les stocks des entreprises sont très faibles (par peur de ne pas écouler leurs marchandises).
Les ménages français dans une telle conjoncture ont de moins en moins confiance en l’avenir.
Pas besoin d’être énarque ou économiste pour comprendre que dans un tel contexte économique, les ménages français continueront à cultiver leur épargne de précaution en se servant de la baisse de la fiscalité et que les entreprises, n’anticipant pas de hausse de débouchés, n’utiliseront pas la baisse des charges fiscales pour investir. Si au niveau microéconomique ce comportement est tout à fait rationnel au niveau macroéconomique il n’entraîne pas de relance de l’économie.
Nous le voyons bien, le contexte économique dans lequel s’effectue la politique de réduction fiscale est explicatif de ces résultats. Mener cette politique en période de ralentissement économique fait peser des risques importants sur la société. Si l’Etat baisse les prélèvements obligatoires tout en cherchant à conserver les acquis sociaux, la baisse de ses recettes fiscales conduira à accroître le déficit public. Or l’augmentation des emprunts d’Etat conduit à des tensions à la hausse sur les taux d’intérêt. Même si la Banque Centrale Européenne mène une politique monétaire plus qu’accommodante en baissant ses taux d’intérêt, ceux-ci seraient plus faibles si la France et l’Allemagne réduisaient leurs déficits publics. Résultats, ces déficits, en empêchant les taux d’intérêt de baisser davantage, nuisent à la reprise des investissements et à la consommation à crédits (ce sont les effets d’éviction). C’est l’ensemble des pays de l’Euroland qui hérite des effets de la politique française. Or, en terme d’héritage, il est bien connu que l’on hérite aussi des dettes. D’où le Pacte de Stabilité d’Amsterdam signé en 1997 par la France qui vise à limiter les déficits publics à 3 % du PIB. Aujourd’hui la France n’est plus à même d’honorer ses engagements.
L’excès de déficit public est désormais porteur de réduction des dépenses de l’Etat et des acquis sociaux et/ou de hausse de la fiscalité. Ce sont les spectres des politiques de rigueur et d’austérité qui ressurgissent. Ces politiques deviennent de plus en plus crédibles, les agents économiques intègrent ces signaux dans leurs anticipations ce qui affecte davantage les effets escomptés de la politique de réduction fiscale.
La baisse des impôts est à rechercher. Elle permet de libérer l’activité et de renforcer la liberté. Mais elle doit être pratiquée dans un contexte favorable qui ne risque pas d’hypothéquer l’avenir. La baisse des prélèvements obligatoires doit être réalisée lorsque la conjoncture économique est favorable c'est-à-dire lorsque les anticipations des ménages et des entreprises sont optimistes. Ainsi la baisse de la fiscalité ne sera pas thésaurisée et ira soutenir la consommation, soutenant alors la production et les emplois. Dans ces conditions favorables, l’Etat, tout en réduisant les impôts, percevra davantage de recettes fiscales (voir la cagnotte fiscale), ce qui lui permettra de réduire son déficit public, de rembourser sa dette.
La France mène une politique fiscale dans un contexte économique non propice et fait prendre des risques majeurs aux générations futurs.
Pendant la période de croissance économique soutenue des années 1997-2000, le gouvernement précédent avait la possibilité de mener une politique de réduction fiscale bien plus volontariste que celle qu’il mena, tout en conservant les acquis sociaux. En outre cela aurait permis une diminution significative de notre déficit et de notre endettement public. Ces réserves qui nous seraient si utiles aujourd’hui pour relancer notre économie.
Prisonniers de leur dogme et des enjeux électoraux, les gouvernements qui se sont succédés depuis plus de vingt ans mènent des politiques non adaptées à la conjoncture économique. L’orgueil de ces responsables et des fins électorales fait peser des risques importants sur la société française.
Il nous faut enfin choisir des politiques économiques dictées par la conjoncture et les comportements changeants des agents économiques. En matière fiscale notre priorité est de présenter les enjeux d’une baisse ou d’une hausse de la fiscalité, en accord avec certaines thèses développées par les partisans du Public Choice. Dans le respect de nos fondements humanistes, si une de nos priorités est la réduction des impôts celle-ci ne peut être menée que dans des conditions permettant de réduire les inégalités sociales et d’honorer nos engagements européens.
Tout retournement de conjoncture viendrait alors modifier l’orientation politique pré-établie. Reste qu’un tel mouvement ne peut être mené que par des hommes politiques éminemment pédagogues afin que les comportements électoraux manichéens des français changent et permettent la mise en place d’une politique économique pragmatique dont la France a, aujourd’hui, plus qu’en tout temps, besoin.
C’est ce rôle que seul un parti centriste peut jouer, reste aux français de comprendre qu’il existe entre la gauche et la droite un réel espoir de changement politique incarné par une Union Centriste.
17:45 Écrit par Alain DUCHESNE dans Economie | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
"Permettez moi de mettre un bécar a vos propos!"(petit clin d'oeil)
Écrit par : un EGCien | vendredi, 18 novembre 2005
Pouvez-vous me confirmer que l'Etat avait décidé une réduction de 30% du montant de l'impôt sur le revenu. Cela devait être étalé sur une durée de cinq ans à raison de 6% par an
A ce terme le montant de l'irpp devait bien effectivement être réduit de 30% et cette mesure acquise .
Merci d'avance pour votre réponse
Écrit par : Baldy | mardi, 06 décembre 2005
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