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jeudi, 03 novembre 2005

Mes réflexions sur le SRDE (Schéma Régional de Développement Economique)

 

Le Président du Conseil Régional Nord-Pas-De-Calais, Daniel Percheron, conformément à la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilité locales a engagé le Conseil Régional à élaborer un Schéma de développement Economique. Cette initiative confère de hautes responsabilités au Conseil Régional. C’est une démarche dont on ne peut que ce féliciter et qu’il faut encourager.

 

Le concept de développement économique

 

La politique régionale qui sera mise en œuvre devra exposer clairement ses finalités en matière de développement économique. Il s’agira tout d’abord de préciser ce concept en le déclinant en croissance économique durable, taux de chômage, richesse partagée, accession à la formation, espérance de vie et bien-être au sens où l’entendent les habitants de la région Nord-Pas-de-Calais. Le concept de développement est une tâche lourde à définir. Il diffère selon les régions, les pays, même si certaines variables qui le composent sont récurrentes. La définition du concept de développement économique régional n’en demeure pas moins un préalable essentielle à toute démarche d’élaboration d’une politique de développement économique. Ce travail doit permettre d’élaborer un Indicateur de Développement Régional propre à notre région. L’évolution de cet IDR permettra de suivre les résultats de la politique mise en place.

 

La finalité de la politique de développement

 

L’IDR et les finalités de la politique de développement doivent être définis de manière concomitante. Les finalités de la politique de développement consistent à répondre à la question : que voulons-nous devenir ? sans que des échéances précises soient connues. Ce n’est qu’une fois que ce travail sera réalisé qu’un faisceau d’objectifs pourra être fixé. Les finalités donneront du sens aux objectifs, ils s’inscriront alors dans une démarche normative. Chaque réalisation d’objectif (avec des échéances précises) servira les finalités prédéfinies. Dans ces conditions les objectifs seront acceptables par tous, gage de mobilisation des acteurs économiques.

Il va s’en dire que les objectifs sont eux-mêmes le résultat d’un diagnostic mettant en évidence les forces et les faiblesses économico-sociologiques de la région. Ce diagnostic doit nous permettre de révéler les menaces et les opportunités de notre environnement économique. Ce travail ne peut être le résultat que d’une compétence, d’une sensibilité avérée du Comité Economique qui aura en charge d’effectuer ce diagnostic. Il devra à la fois introduire des démarches inductive et hypothético-déductive.

Maintien du pouvoir d’achat et innovation

 

Notre région se classe parmi les trois premières régions de France en terme d’ouverture au commerce international. Plus que d’autres elle profite du commerce international (troisième région exportatrice de France) mais est aussi soumise à sa concurrence. Pour certains cette réalité obligerait notre région à maintenir voire à réduire les salaires dans nos entreprises afin de rester compétitif. Or cela conduirait inéluctablement à réduire les débouchés des entreprises dont l’aire de chalandise est régionale et non internationale (secteurs abrités). Inexorablement cela entraînerait des effets négatifs sur l’emploi régional. Il est cependant possible de maintenir, voire d’élever, le pouvoir d’achat des habitants du Nord-Pas-de-Calais si les gains de productivité réalisés dans les secteurs exposés à la concurrence internationale (secteur dits ouverts) font plus que compenser la hausse des salaires dans ces secteurs. Il s’agit alors de favoriser par notre politique de développement l’innovation interne, celle qui agit directement sur la productivité des entreprises, celle qui améliore les procédés de production et qui en réduit les coûts. De même en nous tournant vers une production de qualité (quasi monopolistique) nous nous affranchiront des contraintes de coûts de production et des charges salariales. En effet la vente de produits hauts de gamme s’explique davantage par le caractère novateur du produit que par son prix. C’est ici l’innovation externe qu’il nous faut promouvoir.

La conjugaison d’innovations interne et externe est un élément essentiel qui assurera que nos entreprises régionales pourront continuer à profiter de l’ouverture au commerce international tout en maintenant les salaires de notre main d’œuvre à des niveaux substantielles. Il s’agit aussi d’assurer un politique de redistribution d’une partie des gains de productivité qui assureront les débouchés aux entreprises des secteurs abrités. La politique de développement de la région qui s’inscrit résolument dans une optique d’offre doit aussi développer des éléments visant à assurer une politique de relance de la demande de produits régionaux qui s’appuie sur l’esprit sociétal de nos entrepreneurs.

C’est à la région Nord-Pas-de-Calais d’organiser l’interface entre le monde de l’entreprise et de la recherche afin d’encourager toutes les initiatives qui permettront de passer de la recherche fondamentale à la recherche appliquée et à l’innovation dans les entreprises de notre région (traduction économique de la recherche fondamentale). Il s’agira d’identifier les besoins des entreprises, de les faire remonter dans les instituts de recherche et d’accompagner tout le processus vers l’innovation. Notre politique de développement doit permettre de transformer la concurrence internationale (qui apparaît trop souvent comme une menace, quand on ne fait pas d’efforts d’adaptation continue) en opportunité et en emplois.

 

Une approche politique méso-économique

 

La politique de développement économique régionale s’inscrit dans une démarche méso-économique, (une politique sectorielle). Il est nécessaire d’identifier les contraintes spécifiques de chaque secteur. Les aides sectorielles peuvent faire naître des effets d’aubaine, d’éviction qu’il conviendra d’éviter en faisant apparaître autant que faire ce peut les effets d’entraînement sur les autres secteurs et l’économie régionale toute entière. La définition des pôles d’excellence ne devra pas générer de goulots d’étranglement qui pourraient avoir des effets inflationnistes et obéreraient les effets positifs recherchés. Ce travail ne peut être opéré qu’en concertation étroite avec les économètres de l’INSEE au travers d’une étude méso-économique (Tableau input-output au sens de W. Léontieff ou Tableau Entrée-Sortie : TES). Ces modélisations sont souvent utilisées pour des projections de court terme mais des développements récents permettent d’intégrer les effets d’innovations et permettent des projections sur le moyen terme.

 

Ces modèles permettent de suivre l’évolution de la politique de développement qui sera mise en place tout en intégrant le phénomène de gains de productivité dû à l’innovation dans chaque secteur. Il permettra également de mesurer les effets d’entraînement des pôles d’excellences sur les autres secteurs d’activité.

 

Une politique de développement adaptative

 

La politique de développement ne peut être statique, or le Document d’Orientation laisse sur ce point peut de place à une démarche politique adaptative. Les comportements des agents changent, les contraintes extérieures évoluent. C’est justement ce caractère changeant du laboratoire de l’économiste (à contrario du laboratoire du physicien) qui l’oblige à réviser sans cesse la définition de la politique de développement à mettre en place. Ce sont les données méso-économiques (dynamiques) qui vont orienter, réorienter les moyens mis en place. Dans certains secteurs l’inélasticité de l’offre peut se révéler et obliger une redéfinition de la politique de développement. N’oublions jamais que les moyens sont économiques et l’émanation de données objectives alors que la fin reste une orientation politique.

La politique de développement économique doit proposer des moyens d’adaptation de sorte qu’elle ne conduise pas dans certains cas à des effets inverses à ceux recherchés.

 

Orienter le comportement des acteurs économiques de la région

 

Les croyances sont des éléments psychologiques essentiels qu’il faut travailler si nous voulons que notre région passe à un décollage durable. Les avantages concurrentiels ne sont pas acquis une fois pour toute. L’ouverture inéluctable au commerce international, qui nous permet de gagner d’importantes parts de marché extérieur rend aussi nos avantages comparatifs de plus en plus éphémères. Le temps est révolu où des régions, pendant des siècles parfois, conservées une situation de monopôle, croyance encore trop répandue dans les mentalités régionales. Nous sommes condamnés à innover mais aussi à nous diversifier, à différencier notre production. L’abandon de la production doit désormais être appréhendé comme une mesure stratégique préparée et doit laisser place à de nouveaux avantages comparatifs. Cela n’est possible que si l’on accepte qu’une partie des moyens financiers obtenus pendant les périodes de croissance soit utilisée pour investir dans la recherche et la révélation de nouveaux avantages. L’imitation est pour certaines régions le seul moyen de financer leur croissance. Croissance qui en retour doit nous permettre d’écouler dans ces régions des produits novateurs qu’elles ne sont pas encore capables d’imiter et de produire dans des conditions concurrentielles. Il faut donc inscrire le processus d’innovation dans un cadre dynamique d’adaptation qui nous permet de profiter du commerce international tout en permettant à d’autres régions d’assurer leur croissance économique gage de nos propres débouchés. L’économie n’est pas un jeu à somme nulle, tous ceux qui y participent peuvent en profiter pour se développer.

 

L’accompagnement politique de la dynamique de spécialisation ou de différenciation

 

Certains secteurs sont déjà touchés par un manque d’adaptabilité de leur production aux mutations concurrentielles. L’entrée des PECO dans l’UE entre autres entraîne des regains de concurrence dans les secteurs de la production de carton et de la plasturgie. Seule possibilité fabriquer des cartons et des matériaux plastiques innovants. Plus les produits vieillissent plus ils sont à même d’être fabriqués par une main d’œuvre peu qualifiée et donc plus nous subissons la concurrence de pays en développement. Dans ces secteurs plus que dans d’autres notre politique régionale doit pouvoir être réactive. Dans ces deux secteurs, cités à titre d’exemple, où se confirment des licenciements quelles mesures d’urgence sont proposées dans le SRDE ?

Si nous voulons une politique dynamique il nous faut dresser un tableau synoptique des décisions à prendre pour conforter certains secteurs et en sauver d’autres. De même quels secteurs doivent être abandonnés ?

Mais la réponse à cette dernière question montre bien les limites entre un développement économique et les contraintes politiques. Notre approche méso-économique nécessite alors une analyse matricielle permettant d’évaluer l’évolution de notre portefeuille d’activités régionales et d’en tirer les conséquences au niveau du suivi des moyens à mettre en œuvre.

 

Préserver les effets positifs de la concurrence internationale tout en en corrigeant les effets négatifs.

 

En plus des résultats des degrés de complémentarité des branches fournis par les TES, des études concomitantes doivent accompagner notre positionnement stratégique afin d’orienter au mieux nos jeunes vers des formations adaptées aux mutations nécessaires. Le développement de certaines activités doit être permis par une main d’œuvre adaptée et disponible. Il faut s’assurer et assurer l’élasticité de l’offre des secteurs que l’on souhaite développer. Ces données doivent conduire à réduire le chômage frictionnel et à anticiper les problèmes liés au développement de branches intensives en capital alors que des secteurs plus intensifs en main d’œuvre seraient abandonnés. Se sont alors des mesures préventives qui doivent être prises à l’instar du travail réalisé par l’association CREFAC (avec l’appui du FSE) chez SELNOR afin de reconvertir les salariés avant les fermetures des entreprises.

Nombre d’entreprises en redressement judiciaire ne sont pas au courant des développements récents des procédures collectives et notamment des procédures de conciliation. Pourquoi prés de 90 % des entreprises en redressement judiciaire ne sont-elles pas effectivement redressées ? Pourquoi si peu d’entre elles ne sont pas rachetées, pourquoi les salariés ne développent pas de reprise de leur propre entreprise. La région doit se doter de moyens pour répondre à ces questions.

Les politiques de développement économiques doivent être réactive et accompagnatrice pour espérer être efficaces.

 

Une politique de développement économique résolue

 

Il faut que cette politique mobilise les énergies, qu’elle insuffle une vague de confiance nouvelle et déterminée, qu’elle redore l’image de la région. Cela n’est possible que si elle est associée à des hommes identifiables. Elle doit être suivie d’un développement identitaire fort sur ce que nous voulons devenir et portée par une nouvelle image de la région. Pour que cette politique économique volontariste soit la plus efficiente possible il faut qu’elle s’accompagne d’une nouvelle image à la hauteur de ses ambitions. Plus que jamais les conditions sont réunies pour changer notre patronyme porteur de reconversion inachevée pour entrée dans l’aire d’une région qui mérite une image respectueuse de son passé et de ses ambitions et au service de son développement économique : Les Hauts de France ...

 

Autres éléments d’appui

 

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  • En ce qui concerne l’artisanat, la politique décrite semble bien peu volontaire. Surtout lorsque l’on sait que la Région Nord-Pas-de-Calais compte moins de la moitié d’artisans que la moyenne nationale. De plus l’artisanat est un secteur qui permet un véritable maintien des activités dans nos secteurs ruraux et qu’il fait peu l’objet de délocalisation ! Il faut donner des moyens aux petites communes afin qu’elles puissent maintenir l’activité artisanale sur leur sol.
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  • Sur la recherche, il faut une véritable politique d’accueil de nos jeunes chercheurs avant que des raisons démographiques (retraites) les amènent à se rapprocher de la région parisienne. Dans nos facultés et nos universités il s’agit aussi de favoriser la venue de chercheurs réputés afin d’appuyer notre démarche.
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Par ailleurs alors que la Région enregistre une densité universitaire et d’écoles d’ingénieurs conforme à la moyenne nationale, on trouve une faible implantation de grands organismes de recherche (un quart de la moyenne nationale par rapport à la population), faible aussi dans les entreprise privées (un quart également de la densité nationale). Cela nous rend très vulnérable à la concurrence internationale.

 

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  • En matière touristique nous ne voyons pas se décliner un véritable positionnement stratégique. Or c’est un élément essentiel si l’on veut que notre territoire soit identifiable et identifier par les opérateurs touristiques. Ne doit-on pas par exemple chercher une dynamique de créneau tel que le tourisme et l’accueil des seniors.
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  • Redonner confiance c’est aussi travailler sur notre situation sanitaire et la promotion de nos hôpitaux et de leur décentralisation dans la région. (Espérance de vie, nombre de médecins et de spécialistes sont des éléments plus que préoccupants).
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  • Il faut une politique résolument tournées vers un développement exogène : il faut favoriser davantage l’implantation d’entreprises étrangères mais en visant l’accroissement des clauses de contenu et les effets d’entraînement sur l’économie régionale.
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Il faut aussi travailler sur les mentalités. Il faut transformer les comportements des chefs d’entreprises qui adoptent les thèses libérales lorsqu’ils profitent des débouchés extérieurs et protectionnistes lorsqu’ils subissent la concurrence. Il faut qu’ils puissent comprendre que le degré d’ouverture de notre région nous inscrit dans un modèle où les positions monopolistiques ne sont qu’éphémères et que seule la révélation de nouveaux avantages comparatifs les rendra pérennes. Il faut rompre avec les idées passéistes, héritage de notre histoire économique, qui voulaient que les avantages fussent acquis pour des décennies.

 

- En matière de transport il faut promouvoir le TGV et le Tunnel sous la manche, développer le ferroutage et la liaison Seine-Nord pour éviter les engorgements croissant des réseaux de transport. Sinon on risque que notre croissance soit inflationniste et non durable. Il faut créer un europort qui regroupe les trois ports maritimes de Dunkerque (industriel) troisième port français, de Calais (voyageurs) premier port français et de Boulogne (pêche) premier port français de pêche. Il nous faut obtenir un potentiel européen.

- Pour mener à bien cette politique la Région devra avoir les capacités de négocier ses dotations dans le cadre du contrat de Plan 2007-2013. Le dernier élargissement de l’UE a entraîné une hausse de population de 28 % tandis que le PIB de l’UE n’augmentera que de 11 %. Ainsi le PIB moyen de l’UE va baisser d’environ 18 %. Dans ces conditions les nouveaux impétrants seront en majorité éligibles à l’objectif 1 si celui-ci est maintenu à 75 % de la moyenne communautaire. Les territoires du NPDC deviendraient inéligibles si les critères sont maintenus. Or ces critères seront revus en 2006. Il s’agit là d’un élément non intégré dans la démarche de politique de développement proposée.

 

- Il faut conjuguer culture et économie et eurorégion. " Le NPDC doit apparaître à la tête des grandes régions européennes dans certains domaines ". Il faut orienter notre activité afin de développer des partenariats en définissant des intérêts communs et d’avenir avec nos voisins européens (voir la recherche, le tourisme…). L’ouverture fait partie de notre identité. On doit cultiver notre image européenne dans les domaines culturels : Orchestre National, l’Opéra, Lille 2004…tout en cherchant à préserver une image conviviale. Notre économie, notre culture doit se décliner comme une unité complémentaire à l’île de France et surtout pas alternative.

La Région Nord-Pas-de-Calais doit utiliser ces forces centripètes afin de devenir un point de convergence économique et culturel. L’enjeu n’est plus un rattrapage mais un positionnement volontariste initiée pas la Région.

 

Il ne s’agit là que de quelques pistes qui demanderaient de plus amples développements. A vos contributions !

07:40 Écrit par Alain DUCHESNE dans Economie | Lien permanent | Commentaires (0)

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